Société d’ Histoire de Revel Saint-Ferréol PARU DANS LES CAHIERS DE L’ HISTOIRE NUMERO 3 - 1997 - |
Pierre-Paul Riquet
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Nous ne saurions retracer les événements qui ont marqué l'histoire de Revel depuis 650 années sans y inclure l'édification de Saint-Ferréol, et par là rendre un hommage à Pierre-Paul Riquet baron de Bonrepos qui nous donna ce prestigieux "magasin d'eau" si bien soudé au paysage depuis le XVllème siècle, que pour tous il est le "lac" ! "Il y a là l'exemple inimitable d'un ouvrage d'utilité publique se transformant avec l'aide du temps en un paysage pensé", se plut à dire le poète F. Alibert (né à Carcassonne en 1873). "C'est à Poussin que je songe sans me lasser, devant ces masses qui se contrebalancent sans lourdeur, ces eaux d'une profondeur de réflexion silencieuse et contenue ...". N'oublions pas que Saint-Ferréol, ancêtre des barrages actuels porta longtemps le titre envié de plus grand et plus magnifique ouvrage hydraulique des temps modernes ! Nous nous devions de saluer Pierre-Paul Riquet qui fit œuvre d'artiste en ajoutant à la nature, à 360 mètres d'altitude, cet incomparable triangle d'eau, anciennement San-Farriol. Si ce réservoir n'occupe plus la première place en importance, il témoigne toujours de la mesure et de la majesté de l'œuvre conçue et menée à bien par "Nostre Riquet" pour alimenter son canal. Quatorze ans de travaux gigantesques de 1667 à 1681 ! Tout cela parce que l'homme qui avait conçu ce prodigieux projet en rendit possible la réalisation à force de volonté, se vouant à cette œuvre grandiose avec l'enthousiasme de la jeunesse, alors qu'il avait atteint la soixantaine. D'éminents spécialistes ont étudié depuis trois siècles, dans les moindres détails, le canal du Midi et ses transformations. Si nombreux sont les volumes tant du point de vue technique qu'historique ou économique qui ont été consacrés à ce canal, à son rôle d'axe de transport où passèrent successivement les barques de poste, les péniches halées par les chevaux et les automoteurs enfin, qu'il nous paraîtrait excessif, prétentieux même, d'ajouter aux remarquables études parues au fil des siècles. Un personnage hors du commun Pierre-Paul Riquet, fils de Guillaume Riquet - notaire, personnage important - et de son épouse née Vial naquit à Béziers, la ville dont un poète latin déclara qui "si Dieu devait habiter la terre, c'est Béziers qu'il choisirait". Ce jour là, on célèbre Saint Pierre et Saint Paul, d'où les prénoms du nouveau né. Pour la plupart des biographes, P.P. Riquet est le descendant d'une noble famille italienne, les Arrighetti. Pour Monsieur d'Armagnac del Cers, comte de Puymège, généalogiste (auteur des Vieux noms de France), les documents du cabinet des titres, et les généalogistes ne sont pas d'accord sur l'origine de cette famille. En fait, la maison des Riquet à Béziers était une véritable banque. Pierre-Paul Riquet devait hériter de l'esprit d'entreprise de son père, du goût de l'économie et des finances. En 1618, un événement capital va marquer son enfance. Les États du Languedoc siègent à Pézenas. Le 12 Janvier 1618 il y est débattu d'un projet de canal entre Toulouse et Narbonne, projet émanant du biterrois Bernard Arribat. Chez lui, le notaire Guillaume commente la décision des autorités du Languedoc et manifeste fermement son accord à ce projet. Cette idée hante le fils. On peut affirmer sans peine, qu'il dut se promettre à ce moment là, en secret, de réaliser le canal proposé par Bernard Arribat, et aussi de redonner ennoblissement à sa famille ... son père, accusé de détournements de fonds, ayant perdu sa qualité de noble à la suite d'un emprisonnement. Pierre-Paul Riquet a 18 ans ; assistant aux festivités en l'honneur du roi, le jeune homme prend la notion de l'autorité royale. A 20 ans, le choix d'une carrière s'impose. Sa famille le verrait bien homme de robe. Sans l'intervention de sa mère et de son parrain connaissant le goût du jeune homme pour les mathématiques, il ne serait jamais entré dans les gabelles du Languedoc où il fit des débuts prometteurs en tant que commis. Charge délicate que de percevoir cet impôt sur le sel institué sous Philippe le Bel en 1286, chaque roi par la suite "faisant de la gabelle un impôt productif" ! Les supérieurs de P.P. Riquet n'eurent qu'à se louer de ce "fonctionnaire".
Marié à Catherine de Milhau, fort joliment dotée, et qui partagea les enthousiasmes de son époux, celui-ci va effectuer une belle carrière dans l'administration des gabelles : sous-fermier en 1651, fermier général en 1660 pour le Languedoc, Roussillon, Cerdagne. Réaliste, il comprend vite qu'une voie d'eau faciliterait l'approvisionnement des armées et la fourniture en sel et denrées diverses du bas Languedoc, ainsi que les échanges commerciaux pour toute la province. "On comprend dans ces conditions combien cet homme entreprenant et réaliste souhaitait la construction d'un canal qui lui permettrait de véhiculer sel et denrées en tout temps par bateaux contenant chacun plus de cent fois le chargement d'une charrette", devait écrire G. Houlié (ingénieur au service des Canaux à Toulouse de juillet 1934 à septembre 1971, attaché pendant 23 années à l'aménagement hydraulique de la Montagne Noire). Sur les traces de Riquet dans la Montagne Noire Ayant acquis un vieux château féodal situé à Bonrepos (non loin de Toulouse) sur la rive droite du Girou, près de Verfeil, P.P. Riquet le transforma en beau manoir pour sa famille. Tandis qu'il parcourt la Montagne Noire avec Pierre Campmas, ou se trouvant dans sa pièce de travail au premier étage de la seigneurie de Bonrepos, Riquet se remémore les projets de ceux qui, bien avant lui, ont songé à creuser un canal ; cette idée n'était-elle pas dans les esprits depuis des siècles ? L'historien Tacite, n'évoque-t-il pas dans ses écrits le projet d'un canal voulu par l'empereur Auguste à travers l'isthme gaulois pour éviter aux barques romaines le difficile franchissement des Colonnes d'Hercule, et un trop long détour pour gagner l'Océan ? Charlemagne n'eut-il pas le même dessein ? François 1 er , quant à lui, ne fit-il pas étudier en 1539 par l'archevêque Sisteron et François Conseil le plan d'une voie d'eau qui unirait l'Aude à la Garonne. Une idée reprise par Charles IX. ? En 1598, c'est Henri IV qui demande au Cardinal de Joyeuse d'étudier de près ce qui n'était que proposition depuis des siècles ! Riquet se souvient surtout de son compatriote Bernard Arribat qui, sous Louis XIII, avait envisagé de creuser un canal entre Toulouse et Narbonne.
Riquet n'ignore pas que ses devanciers envisageaient d'aller au plus court pour joindre la Garonne à l'Aude. en suivant le long couloir ouvert entre la Montagne Noire et les Pyrénées. "Riquet savait que les projets présentés jusqu'alors aux Souverains et aux États du Languedoc, avaient avorté parce qu'ils ne garantissaient pas une alimentation en eau certaine, durant la période sèche de juillet à décembre. Il avait longtemps médité sur ce problème. Peu à peu, au cours de ses randonnées dans la montagne, au dessus de Revel. P.P. Riquet acquit la conviction que la solution du problème résidait dans ce château d'eau naturel : la Montagne Noire ! Et G. Houlié de préciser : "L'idée était fort simple, faire déverser dans le Sor les torrents de la Montagne Noire pour le grossir, afin que, dérivé vers ce qui serait le plus haut point du canal, il pût alimenter les deux versants : celui de l'Ouest vers la Garonne, et celui de l'Est vers l'Aude. Ce fut cette heureuse trouvaille (banale au demeurant) qui devait rendre le projet réalisable". Mais encore fallait-il que Pierre-Paul Riquet poussât plus avant son étude ! Inlassablement, Riquet fasciné par les eaux de la Montagne Noire, explore le moindre recoin de ce réservoir d'eau. Point de départ de ses randonnées : Revel. Tantôt à cheval, tantôt à pied, et toujours en compagnie de Pierre Campmas, Riquet gravit les pentes de la Montagne Noire, gagne les sommets, pénètre sous le couvert des forêts, vérifie les cours de la Vernassonne, de l'Alzeau, du Lampy, du Coudrier, du Rieutort, autant d'affluents du Fresquel. On les voit à la Loubatière, à Ramondens, à Montaut, Font Bruno, Arfons, les Martys. De ses observations, Riquet conclut que pour rassembler les eaux des ruisseaux et des torrents qui dévalent les pentes du versant méditerranéen, il faudra les basculer sur le versant opposé. Il devra couper ces ruisseaux et torrents par une rigole courant à flanc de montagne, regrouper les eaux de la Vernassonne, de l'Alzeau, du Lampy, du Rieutort, les conduire sur le versant nord et les déverser ensuite dans le Sor, au lieu-dit Le Conquet pour grossir cette rivière. Plus tard il lui faudrait envisager de construire un bassin pour alimenter le canal afin de stocker l'eau en prévision de sécheresse. L'homme qui n'entend ni grec, ni latin Cette lettre adressée au grand commis Colbert pourra paraître assez longue, mais étant le document de base qui déclenchera par la suite l'approbation royale, nous nous devons de la reproduire in extenso : "A Bonrepos", 26 novembre 1662 Je vous escrivis de Perpinian le XXVIII du mois dernier au subject de la ferme des gabelles du Roussilhon et aujourd'huy je fais mesme chose de ce village, mais sur un subject bien esloigné de cette matière là. C'est sur celle du dessein d'un canal qui pourrait se faire dans cette province du Languedoc pour la communication des deux mers Occéane et Méditerranée, vous vous estonnerés Monseigneur que j'entreprenne de vous parler d'une chose qu'aparement je ne cognois pas et qu'un homme de gabelles se mesle de nivellage. Mais vous excuserez mon entreprise lorsque vous saurez que c'est d'ordre de Monseigneur l'archevêque de Tolose que je vous escris. Il y a quelque temps que ledit seigneur me fit l'honneur de venir en ce lieu, soit à cause que je luy suis voisin et omager ou pour savoir de moy les moyens de fere ce canal, car il avoit ouy dire que j'en avais fait une estude particulier, je luy dis ce que j'en savois et luy promis de l'aller voir à Castres à mon retour de Perpinian, et de le mener sur les lieux pour luy en fere voir la possibilité. Je l'ay fait, et ledit seigneur en compagnie de Monsieur l'evesque de Saint-Papoul et de plusieurs autres personnes de condition a esté visiter toutes choses qui s'estant trouvées comme je les avois dites, ledit seigneur Archevesque m'a chargé d'en dresser une rellation et de vous l'envoyer, elle est icy incluze mais en assez mauvais ordre, car, n'entendant ni grec ni latin et à peyne sachant parler françois, il n'est pas possible que je m'explique sans begayer ; aussi ce que j'entreprens est par ordre et pour obeyr et non pas de mon mouvement propre. (Références : Archives du canal, liasse I n° 6)
Pierre-Paul Riquet, comme indiqué dans cette lettre, y joignit un Mémoire détaillé intitulé :"Relation pour la jonction des Mers Océane et Méditerranée". Ce mémoire est de la plus haute importance. Riquet y expose ce qui avait fait échouer les projets de ses adversaires ; à savoir : la difficulté des eaux à la hauteur des "Pierres de Naurouze". En voici les passages essentiels : "En douze lieues de pays, dit-il, on ne trouvoit ni ruisseau ni rivière qui fit fournir d'eau à suffisance pour ce canal, et c'étoit pour cela qu'on s'imaginoit de pouvoir faire rétrograder à contre-mont la rivière de l'Arriège : ce qui avoit été trouvé inexécutable. Il ajoutait que les moyens de donner de l'eau à ce canal avaient été jusqu'alors cachés à tout le monde, et que néanmoins il en existait de naturel et presque sans obstacles. Mais ce qui me semble le plus important disoit-il, est d'avoir d'eau à suffisance pour le remplir, et de le conduire à l'endroit même où il est le point de partage. Ce qui se peut aussi faire avec facilité, prenant la rivière du Sor, près la ville Revel, qu'on conduira par pente naturelle, puisqu'il se trouve neuf toises de descente depuis ledit Revel jusqu'au point de partage, et que le pays est uni et sans éminence. (A noter que dans ce premier projet de Riquet, il avait placé le point de partage des eaux dans la paroisse de Saint-Félix de Caraman auprès de Graissens. Ce choix présentait l'inconvénient d'une trop grande élévation ; aussi, l'année suivante Riquet se détermina-t-il à baisser son point de partage jusqu'à la fontaine de la Grave, au-dessous des Pierres de Naurouze). (Références : Histoire du Canal de Languedoc, rédigée sur des pièces authentiques conservées à la Bibliothèque Impériale et aux archives du Canal, par les descendants de Pierre-Paul Riquet de Bonrepos - Imprimerie de Crapelet à Paris 1805). Dans ce mémoire, Riquet présentait trois plans relatifs à la direction du Canal. A savoir :
Mais il faisait observer qu'il aurait des difficultés "au navigage contre-mont la rivière d'Agout et du Tarn par suite des fréquentes chaussées de moulins". Dans un second plan, et pour éviter les obstacles précités, il indique clairement qu'il faut renoncer aux rivières de l'Agout et du Tarn. Il souligne le fait que depuis le point de partage jusqu'à la rivière nommée le Girou, il y a environ trois lieues de pays plat. Le Girou entre dans l'Hers, qui se jette dans la Garonne à sept lieues de là, et à trois lieues au-dessus de Toulouse. Le troisième plan est tout entier dans une réflexion de P.P. Riquet qui fait suite aux observations précédentes. C'est ce courrier que rédigea Riquet (le 26 novembre 1662), à Colbert, qui à l'époque était contrôleur-général des finances. Riquet se rend à Paris donner des détails à Colbert. Infatigable, il va à Briare pour observer le mécanisme des écluses. De retour en Languedoc, sans attendre les autorisations des commissaires et experts - qui du reste établiront un rapport favorable - Riquet creuse un canal d'essai et démontre que les eaux de la Montagne Noire peuvent atteindre aisément le seuil de Naurouze.
Naissance de la Rigole et Edit de Louis XIV Les pioches, les pelles, les haches, en juillet 1665 commencèrent à tailler dans la forêt de Ramondens, puis à creuser un fossé dans les flancs de la montagne. Cette Rigole d'essai, où passait-elle ? Notamment dans les environs de Revel ? Jacques Batigne en a reconstitué le tracé. Ce fut achevé dans les premiers jours d'octobre. "Ce n'est pas sans raison que l'on dit qu'en mangeant l'appétit vient ; la vérité de ce rébus se trouve dans l'exécution de mon entreprise. Je l'avois commencée par une petite Rigole d'essay, et je la continue par une qui pourroit faire la grande déviation dans une moindre besogne que la mienne, estant vray que la quantité que je conduis à Naurouze serait presque suffisante pour servir à l'entretien d'un canal comme celluy de Briare. Le malheur est que cet accroissement de travail et des pluyes qu'il fait dans ce pays icy depuis quinze jours, reculent l'achèvement et augmentent la despense, la dite despense s'approchera de la somme de 50 000 livres ... Peu de gens avoient foy pour la réussite, et maintenant qu'on ne la voit plus douteuse, la plus part disent que ce que j'ay fait tient du miracle, que cela ne se pouvoit sans le secours de Dieu ou la participation du Diable. Je conviens du premier, et du reste l'on me fera justice quand on dira de moy que j'ay quelque peu de nature, point d'art, et que je ne suis pas magicien". Impossible d'oublier que cette Rigole de la Plaine joua un rôle important durant le creusement du Canal ! Dès lors, les tanneries, teintureries et fabriques où l'on travaillait la laine se trouvèrent gênées dans leur fonctionnement par manque d'eau ; de même pour LES_MOULINS, dont ceux de Riquet (cédés par la bastide en 1658). Pour cette raison, Riquet ordonna la construction de Moulin du Roi, afin de remplacer LES_MOULINS qui n'étaient plus en état d'être utilisés. La vérification de cette Rigole fut effectuée par M.M. de Bezons et de Tubeuf accompagnés de M. de Clerville, du sieur René Janse et de M. de Fleury, trésorier de France à Montpellier. Le 9 novembre 1665, il ne purent que constater le triomphe de Riquet. Détournées, les sources de la Montagne Noire pouvaient alimenter le bassin de distribution de Naurouze ! Après que les commissaires eurent rendu compte à Colbert, et que le chevalier de Clerville ait établi le devis de "la première entreprise" Toulouse - Trèbes, soit 3 677 065 livres, Louis XIV, par édit du mois d'octobre 1666 ordonna "dans un style noble et élevé" la "construction du Canal de navigation et communication des deux Mers" ! Un arrêt du conseil déclarait "qu'un ouvrage qui exigeait une attention continuelle et des dépenses journalières ne pouvait sans inconvénient être confié à une régie publique et qu'il était plus avantageux et plus sûr d'en laisser la conduite à un particulier, de lui donner la propriété, de l'intéresser à la conservation de la chose et de mettre l'intérêt public sous la sauvegarde de l'intérêt personnel". Riquet qui avait soutenu que " l'intérêt particulier d'une famille propriétaire est le meilleur garant de l'intérêt général " triomphait. Les travaux "On fait à savoir tout les travailleurs qui voudront s'engager pour travailler au Canal de communication des Mers, qui se construit en Languedoc, qu'il sera donné à chacun dix livres par mois, sans leur déduire les jours de fêtes et dimanches, et jours qu'il pleuvra, qu'ils auront pour se reposer, et que de plus, il leur sera fourni logement moyennant deux deniers chaque jour, suivant l'Ordonnance de Monseigneur de Besons, Intendant de la Justice, police et finance en Languedoc, même ceux qui tomberont malades seront payez pendant le temps de leur maladie, comme s'ils travaillaient". Signé Riquet, chargé par le Roy de la construction dudit Canal. (Texte rapporté par Arnaud d'Antin de Vaillac dans Connaissance du Canal du Midi - Références Archives du Canal, liasse 17 n° 5). En plaine, comme en montagne, c'est à une véritable levée d'armée que l'on assiste en ce début d'hiver 1667 pour effectuer la première tranche des travaux entre Toulouse et Trèbes, et la construction de Saint-Ferréol.
Saint-Ferréol, un chef-d'oeuvre ajouté à la nature "Riquet et les commissaires, pour pallier les pénuries d'eau liées à la sécheresse, comme pour assurer les remises en eau des biefs vidangés, avaient pensé aménager une quinzaine de réservoirs le long de la rigole d'alimentation (Réf. A. d'Antin de Vaillac). Le chevalier de Clerville chargé du devis des travaux eut l'idée de remplacer ces multiples réservoirs par un seul, mais de taille. C'est alors que Riquet examinant le vallon de Vaudreuille au fond duquel coulait le Laudot estima que cette grande conque suffirait à l'alimentation ... et ainsi naquit Saint-Ferréol ! En présence de l'archevêque de Toulouse, Monseigneur d'Anglure, de l'évêque de Saint-Papoul et de deux intendants, on procède à la pose de la première pierre le 15 avril 1667. Les blocs de pierre de ce mur écran véritable construction à la romaine formeront la digue de 800 mètres de long, hauteur de 35 mètres pour une largeur de 5 mètre au sommet : "De part et d'autre de ce grand mur seront tassés des remblais d'enrochement et de terres argileuses qui retiendront deux autres murs : un, en amont, totalement immergé, de 19,50 mètres de hauteur, pour 3,90 mètres d'épaisseur, l'autre en aval de 29,25 mètres de haut et de 2,80 mètres d'épaisseur" Le tout revêtu dessus, d'une couche de deux mètres de terre glaise battue destinée à empêcher les infiltrations. Comme les deux murs intérieur et extérieur sont plus bas que le grand mur, ces terrassements formeront glacis. Les difficultés Pierre-Paul Riquet doit mener un rude combat pour conduire ces travaux. La guerre de Dévolution (entreprise après la mort de Philippe IV d'Espagne par Louis XIV qui réclame les Pays-Bas au nom de sa femme Marie-Thérèse) fait rage ; les révoltes se multiplient en Roussillon contre les services de la gabelle, dont Riquet est responsable. Ses dettes s'accumulent : "c'est vrai que je suis bien malheureux d'avoir trouvé l'art de détourner les rivières et de n'avoir pas su trouver les moyens d'arracher tout l'argent nécessaire pour mes grands et importants succès", dit-il. Si les impôts augmentent, si la sécheresse sévit, si le port de "Cette" (dont on commence la construction) et Saint-Ferréol coûtent trop chers ... c'est la faute à Riquet, crie-t-on de toutes parts ! Révoltes à Saint-Ferréol Les eaux qui actionnaient LES MOULINS le long des cours d'eau fonctionnent moins bien, les champs sont moins bien irrigués depuis que Riquet à détourné les eaux pour le seul bénéfice du canal en cours de creusement. "Le canal est votre œuvre, Saint-Ferréol est votre œuvre ... Vous et moi sommes embarqués dans cette galère. Nous devons poursuivre ... jusqu'au bout" dut-il leur dire. Son magnétisme et la promesse de leur donner dix livres à chacun par mois auront raison de cette révolte qui se terminera par des "Vive nostre Riquet !". Riquet peut regagner sa maison rustique édifiée à Saint-Ferréol près des maisons de bois logeant les 4 000 ouvriers, non loin des magasins et des écuries pour 200 chevaux. Il faut finir l'ouvrage ou mourir à la peine Durant cette période difficile, un premier succès pour Riquet, lorsque au début de l'année 1672, quatre grandes barques partant de Toulouse parviennent à Naurouze. Désormais on croit en lui, mais l'homme est épuisé. Dédaignant la maladie, il fait front et réussit à percer en six jours sur plus de sept cents mètres, la montagne d'Ensérune. Le Canal n'était qu'à une lieue de la mer ... rien qu'à une lieue ! Le 19 de ce même mois, après bénédiction des eaux à Toulouse, et en grande pompe, une barque abondamment décorée réservée aux officiels, et suivie de 23 autres barques chargées de marchandises, partaient en direction de "Cette". Comment pourrions-nous oublier Pierre-Paul Riquet à travers cette Montagne Noire qui fut son inspiration ? Comment ne pas lui rendre grâces lorsqu'on admire Saint-Ferréol sans jamais se lasser, ou qu'il nous est permis de suivre le cheminement romantique de la Rigole ?
Renseignements bibliographiques : De La Lande- Des canaux de navigation et spécialement du Canal du Midi - Paris 1778 Héritiers de Riquet, Histoire du Canal du Languedoc rédigée sur les pièces authentiques conservées aux archives du Canal - Paris 1805 A. Fabregat : Vie des hommes illustres de Béziers Tome ii - 1869 G. Doumerc : Histoire de Revel en Lauragais - 1976 FERNAY : Pierre-Paul Riquet, le Canal du Midi (un grand Français du XVIle siècle - 1884) Histoire du Canal du Languedoc rédigée sur les pièces authentiques conservés à la Bibliothèque Impériale et aux archives du Canal par les descendants de Pierre-Paul Riquet de Bonrepos - 1805 Jean Girou : Nostre Riquet Ed. Collège d'occitanie - Toulouse 1968 Arnaud d'Antin de Vaillac : Commissaire du Canal du Midi Ed. France Empire - Paris 1979 crédit photo rigole de la montagne F.Verp |